Ame d'artiste [PV Violette]

Le cour de français venait de se terminer, c'était une matière que j'aimais bien, j'étais bien plus littéraire que scientifique. Non pas que je sois une excellente élève, loin de là, j'avais depuis trop longtemps négligé mes études pour me consacrer à ma carrière de chanteuse, mais je trouvais ça intéressant. Chercher ce que tel auteur avait bien pu vouloir dire en écrivant les choses de telle ou telle manière c'était un peu comme écouter une chanson et comprendre ce que l’interprète essaie de transmettre indépendamment des paroles. Comme c'était la pause, je sortis dans la cour pour me détendre un peu et prendre l'air. Etant nouvelle dans ce lycée, j'avais pas encore vraiment d'amis, je connaissais bien quelques tête, notamment les gens que j'avais rencontré à la fête de noël mais cela n'allait pas plus loin. En fait à part quelques groupes de collégiens qui me suivaient parfois en chuchotant sur mon passage_ visiblement mon changement de style n'avait pas suffit à ce que je passe complètement inaperçue_ j'étais toute seule. J'avais des fans, mais aucun ami.

En parlant de fans, je venais de repérer deux fillettes qui ne cessaient de me fixer avec insistance.
Je soupçonnais la fille des voisins, Clara, d'avoir vendu la mèche à ses copines et d'en être involontairement responsable. Elle venait de rentrer en sixième et était l'une de mes plus grandes fans, si bien que mes grands parents avaient pensé que se serait une bonne idée de nous présenter. Je crois qu'ils essayaient ainsi de me remonter le moral en me montrant qu'il y avait pleins de gens qui me soutenaient mais j'aurais préféré qu'ils s'abstiennent. Si ça continuait à s'ébruiter, ça allait finir par attirer l'attention des paparazzis et c'était ce que je voulais par dessus tout éviter.

En quête d'un peu de tranquillité, je me dirigeais vers le club de jardinage pour me poser dans un coin au milieu des plantes. Non pas que j'aime particulièrement les fleurs mais au moins l'endroit était calme et agréable. Je déambulais en silence, une sucette à la fraise dans la bouche quand je notais la présence discrète d'une autre personne qui visiblement avait eu la même idée que moi pour échapper à la cohue de la cour de récréation. Je la reconnue sans mal, il n'y avait pas énormément de fille avec des cheveux violets. Elle était en train de dessiner et, absorbée par ce qu'elle faisait, elle ne m'avait pas remarqué. Je ne pus m'empêcher de jeter un œil à son oeuvre et je restait bluffée. Franchement c'était superbe, elle avait un coup de crayon remarquable. La seule fois où j'avais essayé de dessiner, un chien, mon frère s'était foutu de ma gueule en soutenant que ça ressemblait plus au croisement bizarre entre un âne et un cochon.  Le pire, c'est qu'il avait pas tord.

« Putaise, t'es super douée ! Ça fait longtemps que tu fais du dessin ?» M'exclamais-je, impressionnée.

Violette avait passé, concrètement dit, une sale matinée. Non pas parce qu'elle avait manqué son réveil et avait donc dû passer outre un petit-déjeuner complet. Ni parce qu'elle avait reçu un coup d'épaule dans le couloir qui avait fait qu'elle s'était prise les casiers de plein fouet dans la tête. Rien qu'en y pensant, elle grimaça à nouveau. Elle pouvait encore se souvenir de cet horrible écho de métal dans ta tête lorsqu'elle avait heurté ceux-ci. Mais ça n'avait rien à voir avec sa matinée pourrie. Loin de là. Ça n'était rien comparé à ce qui l'avait mise dans une rage totale. 

Alors qu'elle allait au casier le matin-même, elle a aperçu une jeune élève en train de crocheter son casier pour ensuite trifouiller dans la pile de papiers et prendre son dessin. Elle n'avait même pas eu le temps de dire un mot que la jeune élève avait parcouru le couloir au trot pour tendre le papier au professeur d'art plastique. Violette aurait voulu la crucifier sur place si c'était possible. Et pourtant Dieu sait qu'elle ne fait preuve que de douceur habituellement ! Mais là c'était de trop. C'était un acte impardonnable. Déjà la fillette allait avoir certainement une bonne note, vu que Violette excellait en la matière sans vouloir s'en vanter. Mais en plus c'était de la faute de cette même élève si Violette s'était pris les casiers. Elle jeta un regard noir à la jeune fille qui partit rapidement avec sa bande de copines. Seulement voilà, elle n'oserait jamais aller avertir le professeur ni même quiconque de cet acte de vandale. Et en plus, voilà qu'elle avait dû aller chez les délégués pour signaler que son casier avait été légèrement amoché. Elle s'était fait passé un savon pour quelque chose qui n'était même pas de sa faute.

En y repensant elle gratta avec plus d'énergie encore sur sa feuille de papier cartonnée. Ce qu'elle était naïve ! Elle aurait dû annoter sa signature sur tous ses dessins. Mais l'idée que quelqu'un tombe dessus par hasard, ce serait le comble qu'on la reconnaisse ! Elle marmonna toute seule en saisissant une de ses pastelles une fois que son croquis du club de jardinage avait été réalisée, légèrement trop appuyé, au crayon gras. Elle posa à peine la pastelle verte sur la feuille qu'une voix la fit tressauter. Elle en fit sauter son instrument qui attérit lamentablement dans la pelouse. C'était décidé, elle allait commettre un meurtre. Fini la gentille petite Violette, elle allait tous leur faire bouffer des pinceaux à aquarelle ! 

Elle se tourna avec les sourcils froncés, bien décidée à dire sa façon de penser à l'intru mais à peine vit-elle le visage de la jeune femme que sa colère accumulée jusqu'ici s'effondra. Elle la regarda avec des yeux ronds et son habituel air gêné. Bon, avant de décider quoique ce soit, elle devrait peut-être essayer d'être moins.. Timide. 

Elle accompagna ses paroles d'un hochement de tête positif puis fixa la jeune blonde aux mèches roses avec un air stupide, comme lors de la soirée de Noël où elle l'avait vue. Scarlett, elle s'en rappelle. Mais que lui voulait-elle ?

Au moment ou j'abordais Violette, la jeune fille en lâcha son pinceau de surprise si bien que l'instrument échoua sur le gazon. Malgré moi, c'est vrai que je pouvais être un vrai ouragan parfois, j'aurais pu signaler ma présence en arrivant au lieu de surgir ainsi à ses côtés. J'avais toujours été bien trop spontanée pour mon bien. Mon manager avait bien tenté de changer ce défaut assez gênant pour les interviews et autre interactions avec les médias ou les fans avant de comprendre que sur ce point j'étais une cause désespérée. Par chance, avait-il dit, il semblait que ma spontanéité maladroite plaisait au public. La jeune fille arriva tout juste à balbutier 2 mots avant de s'enfermer dans un silence gêné.

« Désolée, la discrétion c'est pas mon fort. » m'excusais-je. « Je voulais pas te surprendre ou t'espionner ou quoi que ce soit, hein. J'ai juste vu ce que tu peignais en passant, et je suis tellement impressionnée que j'ai pas pu m'empêcher de réagir. »

Je lui adressais un sourire qui se voulait amical et chaleureux, ne sachant pas trop comment m'y prendre avec une personne aussi timide. En plus, elle devait probablement me prendre pour une folle hystérique pour avoir été témoin de mon pétage de plomb à cause de Castiel le soir de Noël. Je m'efforçait donc d'avoir l'air aussi normale et calme que possible histoire de pas lui faire peur.

« En fait, je cherchais juste un coin tranquille où me poser mais si tu veux rester seule, n'hésite pas à me le dire, je veux pas te déranger. »

Violette chercha sa pastel verte des yeux en entendant la jeune fille lui présenter ses excuses. Elle se pencha pour la ramasser en fixant le sol, ne relevant pas le regard tout de suite. Elle ne put s'empêcher de penser qu'elle et Scarlett étaient certainement deux opposés. 

Déjà Violette était d'une discrétion sans nom, si bien que la majorité du temps on ne la voyait même pas lorsqu'elle était là. Que ce soit parce qu'elle était petite ou parce qu'elle ne pipait pas un mot. Ensuite jamais elle n'oserait se pencher pour regarder quelqu'un qui dessine. Déjà parce que c'était surprenant pour la personne, elle venait elle-même d'en faire l'expérience, et ensuite parce que c'est comme libérer son âme sur le papier. Et son âme n'appartient qu'à elle. 

Violette fixa ses genoux en restant en assise et jeta quelques petits coups d'oeil vers l'autre jeune fille en se mordant la lèvre. Elle n'allait pas l'empêcher de chercher le calme après tout ! C'était l'un des avantages du club de jardinage : la tranquilité sans nom qui y régnait. Elle finit par pencher la tête en regardant ailleurs.

Elle se mordilla la lèvre et essaya de reprendre son dessin sans faire attention à son regard, mettant de la couleur dans son esquisse.