Joyeux Noël à tous !

La fougère n'a pas compris ma référence à sa moustache de crème fouetté. Bon, tant pis. Elle ne me répondit même pas tellement elle ne l'avait pas compris. Donc je n'avais pas plus engagé la conversation. Se curer le nez, ça m'a l'air plus intéressant que de parler à Violette. Pas que je me cure le nez actuellement, mais si j'avais le choix entre mener une discussion avec elle ou ça, ben je me curerai le nez.

Heureusement, Ombline arrive et désigne ma guitare au loin en disant que je viens toujours armé. J'éclate de rire. Elle fait sûrement référence à ma fameuse blague sur les terroristes.

« Bien sûr que je suis toujours armé. Je suis un terroriste. »

Et Anna vient nous rejoindre. Ombline lui sourit. Elles ont l'air de se connaître depuis un moment. Quant à moi, Anna, je ne lui ai pas trop reparlé depuis ce fameux week-end qu'elle a passé à ma place. Pas que je ne voulais pas... juste que ça n'avait pas vraiment adonné. D'ailleurs celle-ci est assez rouge depuis qu'elle avait quitté Ulysse. Qu'est-ce qu'il lui avait encore dit celui-là ?

Il arriva peut après. Tant mieux, j'commençais à me sentir en minorité parmi toutes ces femmes. Il se présente à Ombline et Violette et j'apprends quelque chose; Ulysse est batteur alors ! J'voudrais lui dire qu'il aurait dut me le dire plus tôt, que je l'aurais amener au local de musique, mais il s'organise une date avec la bi-polaire.

Pour la première fois, j'allais passer un Noël sans le groupe et sans mon frère. Ici, je ne connaissais encore personne à part mes grands parents et je me voyais mal passer le réveillon seule avec eux. Non pas qu'ils n'étaient pas super gentils ou quoi, c'est juste que je trouvais cette perspective totalement déprimante. Franchement, je m'étais rarement sentir aussi seule. Je n'avais même pas le moindre ami ici, ce qui était un peu normal vu que je fréquentais le lycée seulement depuis quelques semaines alors que la plupart se connaissaient depuis le collège. Je poussais un soupir, résignée à l'idée de passer un Noël pourri. Je savais que les élèves du lycée avaient prévu de se retrouver pour le fêter ensemble et je supposais que c'était toujours mieux que de rester à la maison à dépérir avec grand mère et grand père. J'avais donc décidé d'y aller. Grand père avait même proposé de m'accompagner mais j'avais refusé. Il était temps que j'arrête de toujours compter sur les autres pour m'assister maintenant que Kyle n'était plus avec moi et que j'apprenne à me débrouiller toute seule. J'avais donc appelé un taxi vu que mon permis de conduire était pas valable en France. Je trouvais ça complètement débile qu'il faille attendre d'avoir 18 ans dans ce pays, mais bon c'était comme ça. La voiture finit par s'arrêter à l’adresse indiquée et je payais le chauffeur avant de descendre.

Le sol était complètement gelé et recouvert de neige, sans parler du fait qu'il faisait un froid de canard. Je resserrais mon écharpe autour de mon cou pour éviter d'attraper la crève. J'aurais du me couvrir davantage. Je n'avais pas fait d'effort vestimentaire particulier, me contentant de rester fidèle à moi même en tout point. J'avais enfilé un corset rose et noir dans un style assez gothique avec une petite jupe noire, des collants et des bottines cloutées à haut talons. J'ai juste passé une veste en fourrure léopard par dessus, une écharpe et j'ai estimé que j'étais prête.  

Je levais les yeux vers le chalet éclairé qui se tenait au bout de l'allée me demandant bien ce que j'allais trouver à l'intérieur et ce que je foutais ici. Je connaissais personne. Je finis par me décider à avancer d'un pas résolu, songeant qu'au moins, à l'intérieur, il ferait chaud. Comme je savais pas trop qui organisait la fête, ni ce qui avait été prévu, j'avais décidé d'amener deux trois trucs histoire de pas me pointer les mains vides: des boissons alcoolisées et du chocolat. La porte étant ouverte, j'entrais sans frapper et allais déposer le ravitaillement  à la table du buffet déjà bien garnie. Apparemment j'étais la dernière à arriver et les autres étaient déjà bien installés. Il me semblait reconnaître quelques têtes familières pour les avoir déjà croisées au bahut mais ça ne voulait pas dire que je les connaissais pour autant.

Je me débarrassais de ma veste et mon écharpe avant de m'emparer d'une cannette de bière et je me dirigeais vers le groupe posé sur les canapés près de la cheminée. Je me contentais de me planter devant eux, puis avec une parfaite assurance, je déclarais d'une voix impassible et détachée.

« Salut, moi c'est Scarlett. »

Mon intonation était assez dure, comme l'expression de mon visage. J'aurais pu faire un effort pour au moins essayer d'avoir l'air sympa. Mais tant pis, après tout, j'étais pas là pour me livrer à une séance de sourire forcé pour la caméra. Déjà, j'avais fait le premier pas, il fallait pas trop m'en demander non plus question sociabilisation. Sans un mot de plus, je m'avançais pour aller m'installer près du feu et me laissais tomber dans un fauteuil libre. Imperturbable, je les dévisageais tour à tour pendant quelques secondes, mon regard passant des deux filles aux cheveux violine, au grand mec roux plutôt beau gosse qui ne semblait avoir d'yeux que pour la rouquine à ses côtés pour finir par se poser sur le type à l'allure de rockeur et aux cheveux écarlates.

Mes yeux tombèrent alors sur l'étui de guitare posé près de lui, attirant mon attention et éveillant ma curiosité, de sorte que je ne pus m'empêcher de reporter à nouveau mon regard vers son propriétaire. Je le fixais pendant plusieurs secondes, l'étudiant avec un total sans gêne. Il avait tout du rebelle un peu revêche qui joue les durs mais n'est au fond pas bien méchant (en somme, un peu comme moi). Et guitariste, hein ? Tout à fait mon genre de mec quoi, songeais-je en fronçant les sourcils. Evidemment, ça me faisait penser à ce connard de James. Il manquait vraiment plus que ça ! Je finis par détourner la tête. Histoire de chasser mes pensées déplaisantes, j'ouvris la canette et bus plusieurs gorgées du liquide amer qu'elle contenait tout en sortant mon téléphone pour voir si mon frère n'avait pas appelé.

Elle me fait remarquer que côté discrétion et terreur, on pouvait faire mieux. Encore heureux, avoir été un vrai terroriste, j'aurais échoué ma mission. Et question terreur, j'avais déjà un visage que seul une mère pouvait aimer, donc si je devais être plus effrayant... ça serait vraiment triste. Cependant, je continue à embarquer dans son jeu.

« C'est vrai, question terreur et discrétion, y'a mieux. Mais imagine que je t'ai dit la vérité pour que tu crois que c'était une blague. »

Je lui décroche un de mes sourires taquins tant reconnus, puis on entend la porte s'ouvrir. Je me retourne et vois la nouvelle venue. Une fille que je n'ai jamais vue avant. Elle était assez... féminine avec ses mèches roses. Elle a un visage assez harmonieux... mais elle est habillé comme une vieille. Je retiens un rire en voyant la veste en fourrure léopard. Les gens qui porte des trucs en fourrure, c'est soit des gosses de riche, soit des vieilles madames. Ça fait pas décontracté du tout. Comme Ombline, elle a sûrement passée des heures sur sa tenue. Cependant, elle avait amenée de la bière. J'pourrai lui en piquer une éventuellement. Elle se dirige vers nous et se présente. Elle a pas l'aire contente d'être là. Bon, tant pis pour elle sinon.

Je reporte mon attention sur Ombline avant de me sentir légèrement fixé... je tourne le regard vers la nouvelle pour la surprendre en train de me fixer. Inconsciemment, comme souvent, je lui jette un regard assez dure. Avec mon visage naturellement grognon, ça doit pas être joli. Mais je déteste me faire observer aussi longtemps. Heureusement, elle finit par détourner le regard en buvant quelques gorgées de sa boisson.

Ombline se présente à elle aussi et je me lève pour aller me chercher un chocolat chaud. Je me le fais avec de la crème fouetté avant de revenir sur le sofa. J'étais content, même si ça paraissait pas. J'ai jamais l'air content, c'est pas compliqué.

Alors que je regardais mon téléphone, j'avais conscience que certains m'observaient. Un phénomène auquel j'étais largement habituée. Il y avait plusieurs raisons possibles à ça, non seulement j'étais une nouvelle tête, mais en plus j'avais un style assez excentrique qui laissait rarement indifférent. On pouvait soit aimer soit détester. J'avais décidé d'être provocante et j'assumais parfaitement. J'espérais seulement que personne ne m'ait reconnu avec mon nouveau look relativement récent (J'avais changé radicalement de style après ma rupture avec James). J'avais plusieurs appels en absence mais pas de mon frère. Neal avait laissé plusieurs messages. C'est vrai que j'étais partie sans donner d'explication ni de nouvelles. Mais je n'avais pas envie de lui parler. Ce qui s'était passé entre nous ça restait une erreur et il valait mieux pour tout le monde que je prenne mes distances.  Mon manager avait aussi essayer de me joindre, mais pour le moment j'avais pas du tout envie d'écouter ce qu'il pouvait bien avoir à dire.
Je fus tirée de mes pensées par la fille aux cheveux mauves qui portait une élégante robe d'un vert profond. Je relevais la tête vers elle, m'apercevant qu'elle se tenait juste devant moi.  

« C'est cool, merci. »

Répondis-je un peu surprise. Honnêtement, je ne m'attendais pas spécialement à un accueil aussi euh... bienveillant après ma présentation peu engageante. En tout cas, toute manifestation amicale était la bienvenue dans ma situation. J'observais la jeune fille qui était super mignonne en plus d'être sympa. N'étant pas d'une nature jalouse, je reconnaissais sans mal qu'elle était jolie. Je mémorisais son visage et son prénom, un exercice pour lequel j'avais beaucoup de pratique et que je maitrisais plutôt bien. Je connaissais les noms d'un grand nombre de mes fans parce que je trouvais que c'était important de les traiter amicalement au lieu de les prendre de haut comme faisaient certaines idoles.  

Le silence retomba rapidement au point que j'en vins presque à me demander si c'était mon arrivée qui avait provoqué un gros blanc ou s'il n'y avait juste vraiment aucune ambiance. Non pas que la chose ait une grand importance pour moi, je pouvais très bien rester dans mon coin à boire, mais quand même. Pour le coup, la soirée aurait pu être autant animée si je l'avais passée avec mes grands parents. Bon, je suppose que je pouvais faire un effort pour arrêter de me morfondre et tenter d'être amicale... J'étais quand même venue pour tenter de me changer les idées à la base. Le rocker se lève pour aller au buffet, faut dire qu'il y avait pas beaucoup d'autres occupations. D'ailleurs, je terminais à l'instant ma canette en prenant quelques gorgées supplémentaires. J'avais soif, c'est tout, et j'emmerde ceux qui me traiteront d'alcoolique. D'ailleurs, c'est pas ma faute s'il n'y avait rien d'autre à faire que de boire.

Imitant le guitariste, je me dirige vers le buffet pour ramener carrément tout le pack de bières que je pose sur la table basse avec un plateau d'amuse-gueule. C'est aussi bien au cas où quelqu'un d'autre en veux que pour m'éviter de faire 30 fois le trajet . Je reprends ma place, canette en main. J'avais dit vouloir essayer de me montrer sympa, apporter des ravitaillements c'était un début, mais faut dire qu'entamer une conversation avec de parfaits inconnus c'est pas si simple. Au final, aussi étrange que ce soit, c'est vers la personne qui semble au premier abord la plus antipathique du lot que j'ai le moins de mal à aller.

« Alors, t'as l'intention de nous jouer quelqu'chose ce soir ou l'étui de guitare c'est juste pour planquer ta Kalachnikov ? » Lançais-je à l'intention du rebelle avec un sourire rusé au bout des lèvres. « En tout cas, d'la musique, ça mettrait un peu d'ambiance. »

Violette avait un tic. Vous savez, une de ces sales manières qu'on ne peut pas refouler ? Elle, elle en avait un. Il était courant ou non. Mais souvent on le trouve chez les gens gênés. Non pas celui de se mordre les lèvres, bien qu'elle le fasse souvent aussi, mais lorsqu'elle était gênée.. Elle ne tenait pas vraiment en place. Elle devait bouger. Elle avait reposé ses pieds à plat au sol et tapotait celui-ci des talons, faisant bouger ses genoux de haut en bas à la manière d'un ascenseur infernal. 

   

Ce qui avait provoqué son geste machinal ? Le silence. Elle appréciait le silence, certes. Mais pas quand tout le monde autour d'elle se regardait sans parler. En même temps, elle n'était pas un exemple ! Finalement, la jolie rousse approcha et Ombline la présenta. Anna, c'était un prénom plutôt banal mais qui avait son charme. Elle lui sourit en guise de réponse et de salut malgré le chuchotement encourageant de sa nouvelle amie. Elles furent rejointes par l'autre rouquin et Violette commença à se sentir encore gênée. Depuis quand y avait-il autant de nouveaux ? Et surtout.. Comment ça se fait qu'elle n'en avait jamais vu aucun dans les couloirs ?! La réponse était simple. Elle changeait de salle en rasant les murs, tête baissée pour éviter les cartables volants, chose étrangement courante dans les couloirs. 

   

Sa maigre discussion, si on pouvait appeler ça une discussion, avec Castiel ne l'avait conduite à rien. Peut-être ne voulait-il pas lui expliquer, elle comprenait très bien qu'on puisse ne pas vouloir parler avec elle. Si certains ne se gênaient pas pour parler comme 4 personnes lui offrant ainsi son silence religieux, d'autres réprouvaient le non-dit de la jeune fille.

   

L'arrivée d'une nouvelle jeune fille la rendit blême. Bon sang, ils étaient vraiment nombreux ! Néanmoins.. Elle trouvait celle-ci moins naturelle que les deux autres jeunes filles. Elle décida de ne pas s'attarder, histoire de ne pas attirer les foudres et termina sa tasse de chocolat chaud alors que le rebelle partait s'en chercher justement. 

Elle se tourna vers Jade en reconnaissant sa voix, un sourire aux lèvres. Il l'avait laissée seule avant ! Elle fit une moue boudeuse et croisa les bras, décidée à l'ignorer. Ou à faire semblant de l'ignorer. Elle n'était jamais sûre de rien.

Elle avait dit ça à l'attention de toute l'assemblée, en particuliers des nouveaux et ce malgré son intonation moyenne. Elle espérait seulement qu'on l'ait entendue. Elle tourna ensuite la tête vers Armin et le dévisagea longuement, sourcils froncés. Amis ? Comment ça amis ? C'était n'importe quoi ! Elle savait bien qu'ils sortaient ensemble alors pourquoi..? 

Ombline a l'air troublée. J'sais pas pourquoi, j'suis pas dans sa tête non plus. Mais je ne la regarde pas bien longtemps parce que mon attention se reporte sur la nouvelle, Scarlett. Avec un nom pareil, comment l'oublier ? C'est le nom de la fille qui joue Black Widow. Bon, je lui ferai pas remarquer, j'veux pas avoir l'air de vraiment aimer les films de super héro... même si j'aime vraiment ça en fait. Elle me fait une remarque sur mon étui de guitare.

« T'as pas écouté ? C'est en effet pour planquer une arme, mais une arme nucléaire. »

J'ai été plus froid que je ne l'aurais voulu, mais ça c'est typiquement moi. Comme je l'ai déjà dit, je n'ai jamais l'air content. Je me force quand même pour lui faire un sourire avant de déclarer ;

« De toute façon, j'ai pas assez bût pour jouer. »

Ce qui est faux, mais elle a de l'alcool. Façon subtile d'en demander. Regardez comme je suis fait en finesse et tout ! Nah, en fait, c'était clairement pas subtile, mais un gars s'essaie comme on dit. Puis je me fais menacer avec une tasse. Sur le coup, je m'y attend pas trop donc, évidement, je me pousse un peu sur le côté... comme si elle était vraiment menaçante. Mais j'm'y attendais pas quoi ! Je la regarde un peu et rit. J'espère qu'elle a pas remarquée qu'elle m'a fait sursauter... parce que si oui, je risque de me faire taquiner. Bon, si elle est trop chiante, je la balance par le balcon dans la poudreuse. Drastique comme solution, mais efficace. Elle me parle de domination du monde avec ses confrères bassistes et j'éclate de rire.


« Tu sais Ombline, la basse tout seul, c'est comme du sexe sans fellation. C'est plate. »

J'ai vraiment des comparaisons bizarres...

Alors que je dévisage le guitariste aux cheveux rouges, il me réplique froidement que j'ai pas écouté et que son étui contient une arme nucléaire au lieu d'une kalachnikov comme je l'avais déclaré en plaisantant. Le moins qu'on puisse dire c'est que je m'étais pas attendu à cette réponse. En plus, je voyais pas trop ce que j'avais pu ne pas écouter. Vraisemblablement, j'avais raté une partie de la conversation mais comme je venais d'arriver on pouvait difficilement me reprocher de pas savoir ce qui avait été dit plus tôt. Je me demandais vaguement s'il avait dit ça pour me rembarrer purement et simplement. C'était possible au fond, il me connaissait pas, on était pas ami et il avait peut être aucune envie de me parler. Si tel était le cas, j'allais pas insister, j'avais juste essayé de sociabiliser et d'être sympa mais j'étais pas le genre de nana collante qui gratte l'amitié alors qu'elle est pas désirée.
Finalement, ses lèvres s'étirèrent en un sourire et il ajouta qu'il avait pas assez bu pour jouer. Je m'étais donc fait des idées. En fait, faut croire qu'il avait juste un humour bizarre. Bah, maintenant, je saurais à quoi m'en tenir. Alors monsieur voulait boire hein ? Sans le quitter des yeux, j'esquissais un nouveau sourire en déclarant :

« Ça peut s'arranger facilement ça. » Je me penchais vers la table basse pour faire glisser une bière dans sa direction et je portais la mienne à mes lèvres.

Nous fûmes bientôt rejoins par deux garçons que j'avais rapidement aperçu en arrivant. Cette fois encore je m'efforçais de mémoriser les prénoms, ce qui n'étais pas bien difficile. Le premier s'appelait Jade, ce qui collait très bien à la couleur verte de ses cheveux et le second, le brun, c'était Armin. Okay. Je tournais ensuite la tête vers la fille timide aux cheveux violets qui venait de se présenter d'une toute petite voix. Violette, ça aussi ce serait facilement à retenir. Je saluais rapidement les arrivants avant de reporter mon attention sur Ombline qui revenait du buffet avec... un couteau à beurre ?! Pointant son « arme » vers le rockeur, elle répliqua un truc à propos d'ordres à exécuter, ce qui- devinais-je – devais avoir un rapport avec l'histoire de l'arme nucléaire. Je m'arrêtais surtout sur la dernière partie de sa phrase qui révélait qu'elle était bassiste. Elle aussi était donc musicienne, intéressant. Le guitariste éclata de rire en réaction, avant de lâcher une remarque provocante en faisant un parallèle avec le sexe. J'eus un sourire en coin. Ayant pour ainsi dire toujours vécu entourée de garçons, on pouvait dire que j'étais habituée et donc, je ne me sentais pas du tout gênée par le sujet. L'alcool aidant les choses, je me sentais de plus en plus enjouée et désinhibée. En tout cas, c'était bien une réflexion de mec, et, j'étais pas d'accord. On pouvait tout à fait rendre les choses intéressantes sans nécessairement passer par la fellation, suffisait d'une bonne complicité et d'un peu d'imagination. Je répliquais spontanément.

« J'dirais plutôt que ça dépend avec qui t'es et comment tu t'y prends, t'as vu. Y a d'autres moyens pour rendre les choses intéressantes. »

Je finis par me taire, songeant que ce n'était peut être pas l'idéal de se lancer dans ce genre de conversation avec des gens que je venais de rencontrer. Je jetais un bref coup d'oeil en direction des autres, notamment Violette qui paraissait super gênée depuis le début de la soirée. Au delà du fait que je risquais de passer pour une chaudasse, (certes, j'étais plus à ça près dans la mesure où tous les tabloïds me décrivaient déjà comme la salope ayant provoqué la séparation de Golden Storm), ça risquait surtout de mettre les autres mal à l'aise et de plomber l'ambiance. J'avais pas encore assez bu pour m'en foutre et continuer. J'entrepris de terminer ma deuxième bière histoire d'y remédier et, reportant mon attention sur Ombline, je changeais de sujet.

« Alors, tu fais de la basse, c'est bien ça ? C'est plutôt rare une fille bassiste, je trouve ça cool. Tu fais partie d'un groupe ?»

Ouai bon, ok, j'avais pas des masses de sujets de conversation à part la musique, mais en même temps, c'était tout ce que je connaissais. Très sincèrement, et c'était triste à dire, à part chanter et jouer de la musique, je savais rien faire. Si on m'enlevait ma voix, si je ne pouvais plus chanter, j'étais plus rien et c'était très exactement ce que je ressentais depuis l'éclatement du groupe.

Je prend la bière que Scarlett me tend, mais je réalise que je bois aussi un chocolat chaud... je viens de m'imposer un dilemme inutile. Mais si je bois ma bière tout de suite, mon chocolat chaud va être froid après et du chocolat chaud froid, c'est pas bon. Après y'a un fond épais de chocolat qui ne décolle plus du fond. Je porte ma tasse à mes lèvres en m'installant comme il faut pendant que Scarlett dit que y'a d'autres façons de faire les choses. Phrase typique d'une fille qui suce pas.

« Mouais, mais pour continuer sur les comparaisons foireuses, le sexe, c'est comme la couture; ça rentre mieux quand tu liches le bout. »

Wow, je suis en feu sur les comparaisons de cul moi. Je porte ma tasse à mes lèvres à nouveau en regardant le feu. Je lève la tête vers Ombline et fronce un sourcil en arquant l'autre quand elle commence à parler de 'monde de macho'. Ça parait que c'est pas elle qui s'est fait tassé à cause d'une fille. Les filles ont beaucoup plus de chances dans le domaine.

« Premièrement, j'ai jamais rien dit sur les filles en général. Deuxièmement, les filles ont largement plus de chances dans le domaine que nous. Les filles peuvent se contenter d'être chaude et bien chanter ou jouer. Remarque, pour toi, ça doit être comme moi. Tu devrais uniquement te fier sur ton talent parce que t'as pas assez de poitrine. »

Chiant ? Ça se peut. Je lui offre quand même un sourire taquin.

« Et puis, quand à moi, la longueur ça compte peu. Si t'as un long manche mais que tu sais pas t'en servir, ça sert à rien. Et quand même, je suis certain de te battre niveau largeur de manche. Le manche de ma schecter est plus gros que ton poignet. »

On ne se le cachera pas, Ombline est fait plutôt petite. En fait, toutes les filles dans cette pièce ont le même gabarit. Elles sont toutes maigres. Ouais, maigre. J'vois pas pourquoi ça ne me frappe que maintenant. Bon, y'a que Anna qui a des courbes. Pourquoi j'ai commencé à regarder les filles de la pièces déjà ? Ça doit être mon TDA. Je sirote un peu ma tasse de chocolat chaud et pense à ma huit corde chez moi.

Les filles se sont mis à parler et elles ne me regardent plus. Je me demande quel goût ça aurait si je vidait ma bière dans ma tasse de chocolat chaud. Il me reste encore un peu de chocolat chaud alors je gâcherai pas tout. J'ouvre ma bière et la verse dans ma tasse. Dans le fond, ça va faire comme un rhum and coke, mais pas de rhum, pas de coke...

Je goûte, grimace. Non, c'est pas du tout comme un rhum and coke. Heureusement que j'ai pas tout vidé la bière.

Alors que je termine ma deuxième bière, je commence vaguement à regretter d'avoir mis ce corset qui comprime ma cage thoracique et ma poitrine. Ça fait peut être un joli décolleté tout en accentuant la taille mais c'est pas le vêtement le plus confortable. Tant pis, je ferais avec. Suite à mon commentaire, le guitariste me réplique assez cruement que ça rente mieux quand tu lèches le bout. Et ce qui m'énerve c'est que bien sur, il a raison, du coup je peux pas répondre grand chose. Ce que j'ai dit était vrai quand même, l'un n'empêchant pas l'autre mais voilà. De toute façon, je sais même pas pourquoi je suis en train de débattre de ça avec lui. Je connaissais toujours même pas son nom à ce mec.

J'écoute la réplique piquante d'Ombline à l'encontre des guitariste et je ne peux m'empêcher de laisser échapper un petit rire amusé à sa remarque. Cela dit, je déchante bien vite et mon sourire se fane en entendant la réponse du garçon. Il dit que les filles ont plus de facilités dans le domaine car il leur suffit d'être sexy et de chanter ou jouer correctement. Une chance que je ne sois plus en train de boire car j'aurais certainement avalé de travers. Sans y penser, alors que la colère me gagne, je serre le poing et ma main comprime la canette de bière désormais vide.  Je ne réponds pas, pas tout de suite du moins. D'ailleurs, Ombline ne me laisse pas le temps de dire quoi que ce soit, en réagissant au quart de tour.

Pour ma part, je reste figée en le fixant le rebelle d'un regard glacial. Il y a bien une chose que je ne peux pas supporter, c'est que l'on puisse insinuer même indirectement et involontairement que ma réussite je la doive à autre chose qu'à mon talent et mon labeur. Ce genre d'argument, c'est exactement ce que me sortait James dans les derniers temps pour me dénigrer moi, ma musique et mon travail. J'ai toujours bossé comme une folle, parfois je passais des nuits blanches à travailler sur mes chansons, et il m'arrivait de rester des journées entières au studio d'enregistrement à recommencer encore et encore jusqu'à tomber de fatigue parce que je voulais que ce que ce soit parfait. Tout en m'efforçant de maitriser la rage que je sentais bouillir en moi, je me tournais d'abord vers Ombline pour lui répondre:

« Je suis musicienne moi aussi. Chanteuse pour être exacte...Je jouais en pro avec mon groupe jusqu'au mois dernier où mon ex m'a... enfin ça s'est mal terminé. » Je n'avais pas envie d'entrer dans les détails, il faut dire que je n'étais pas vraiment d'humeur. En plus, j'étais bien trop en pétard pour me contenir plus longtemps. Sans même y penser, je m'étais levée du fauteuil, tenant toujours ma canette de bière écrabouillée dans la main droite, tel un micro bizarre et je m'étais approchée du guitariste d'un pas furieux pour me planter devant lui et une seconde plus tard, je lui crachais en pleine figure:

« Je sais exactement de quoi je parle et je t'défends de dire que c'est plus facile pour les filles ! Si le physique ça peut jouer un rôle au début, ça vaut aussi bien pour les mecs si ce n'est plus ! »

Il m'avait blessée d'une manière qu'il ne pouvait probablement même pas imaginé. Je me sentais trembler de rage et je devais lutter contre les larmes de colère qui menaçaient d'envahir mes yeux. Je levais mon poing tenant la canette tout prêt du visage du rebelle comme si j'étais à deux doigts de lui en mettre une. Il avait beau être largement plus costaud et plus grand que moi, je n'étais pas trop en état de réfléchir à ce que je faisais. Mais comme il était assis, et moi debout devant lui (avec mes 1m58 plus les talons), ça me donnait l'avantage de le dominer.

« Tu vois, cet argument de merde que t'as sorti c'est précisément contre ce genre de préjugés machistes à la con qu'on doit se battre sans arrêt pour faire respecter notre musique ! Pour percer dans ce milieu, tu peux compter que sur toi même, ton travail et ton talent ! C'est marche ou crève comme on dit et si t'as pas ce qui faut pour tenir la distance, t'es rapidement jeté aux oubliettes !»

Finalement, je lui jetais ma canette vide à la gueule et, sentant les larmes me gagner, je tournais les talons comme une furie pour aller m'aérer les idées sur le balcon.

Ombline me fait rire.


« Change rien au fait que t'as la peau sur les os et moi j'ai une huit corde. »

Et voilà que l'autre habillée en vieille viens s'en mêler. Gosh, j'pensais pas qu'une blague avec un fond de vérité la choquerait autant, mais comme j'viens de dire, il y a un gros fond de vérité. Dans un groupe composé de gars, on reconnait les quatre membres et malheureusement, dans les groupes ou les chanteurs étaient des filles, on ne voyait que la fille. Le seul groupe à qui la règle s'applique moins, c'est 'Hanzel und Gretyl' et encore là, la chanteuse est tellement impressionnante qu'on n'a pas le choix d'avoir les yeux fixés sur elle quand elle chante.

Ça vaux aussi pour les mecs ? Oh attend, qu'est-ce que mon producteur m'a dit déjà... que Debrah paraissait mieux en solo ? J'ai envie de lui dire, mais moi, je déballe pas ma vie comme ça. Surtout que y'a des gens qui connaissent Debrah ici et j'ai pas envie qu'ils commencent à parler d'elle. Cependant, quand elle me parle de préjugés, c'est plus fort que moi. Mes dents se desserrent et je répond d'une voix probablement aussi froide que la température dehors.

« Sauf que c'est pas un préjugé et crois moi, moi aussi je sais de quoi je parle. »

Ça n'a pas l'air de lui plaire puisqu'elle me jette sa canette vide au visage et s'en va. Oh putain que j'ai envie de lui péter la gueule. Déjà que j'aime pas les chanteuses, elle vient en rajouter une goutte. J'inspire quand même calmement pour ne pas aller la voir et lui vider ma canette sur la tête à cette petite garce prétentieuse.

Je me remet vite de mes pulsions et je cherche maintenant moyen d'avoir du fun. Je regarde Ombline.

« T'as ta basse ? »

A l'instant où je me retrouve seule sur le balcon, je me laisse aller à pleurer. Je me déteste d'être aussi pathétique mais c'est plus fort que moi. J'arrive pas à croire que j'ai pu laisser ce connard que je connais même pas me toucher autant. Ce qu'il y a c'est qu'il me rappelle beaucoup trop James. Ça a fait remonter en moi des tas de souvenirs que j'aurais bien voulu enterrer. Malgré moi, je revois le visage de ce mec qui m'a brisé le cœur et qui ne mérite certainement pas mes larmes. Je lève les yeux vers le ciel totalement noir. Il neige à gros flocons et je frissonne. Je réalise que je ne suis pas couverte du tout, j'ai laissé ma veste à l'entrée. Cela dit, il est pas question que je retourne à l'intérieur, j'aime autant attraper la crève et mourir de froid.

Je me dis que j'ai vraiment été stupide de venir. Toute cette histoire avec James c'était encore trop récent. Je donnerais n'importe quoi pour me changer les idées. En plus, je suis vraiment trop conne, j'aurais du au moins embarquer de quoi boire en venant m'exiler sur ce balcon. Quand je pense que j'ai quasiment tout déballer à mon sujet à Ombline, j'en reviens pas. J'aurais jamais du me laisser emporter comme ça, mais c'est trop tard. Deux bières, c'est pas grand chose pourtant, mais quand on a mon gabarit et qu'on a rien avalé de la journée, ça suffit pour que les effets s'en fassent ressentir. C'est loin d'être assez à mes yeux cela dit et j'aurais bien voulu continuer pour oublier cette soirée.

Je m'appuie sur la rambarde et je regarde la beauté du paysage avec cette neige qui tombe inlassablement sans un bruit. C'est si paisible. Je m'efforce de chasser mes larmes tant bien que mal. Tout ce que je veux c'est oublier, ne plus penser à rien. Fermant les yeux, je me mets à chanter, juste ma voix qui résonne dans le silence de cette froide nuit de noël.  Ce n'est pas une chanson de GoldenStorm, c'est une que j'ai composé récemment pour tenter de me prouver à moi même que je valais encore quelque chose sans le groupe. Dedans j'y ai mis tout ce que je ressentais, ma tristesse, ma colère, ma frustration. C'était une chanson sombre, pleine d'amertume et de rage mais aussi de défi et de provocation, très différente de ce que j'avais l'habitude de chanter. Cette chanson c'était un peu comme hurler au monde entier d'aller se faire foutre et c'était exactement ce dont j'avais besoin en cet instant. Je ne pensais plus à rien d'autre qu'à la mélodie et je chantais avec toute la puissance de voix dont j'étais capable comme si je voulais me faire entendre jusqu'à l'autre côté de l'Atlantique.